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Sébastien Fritsch, Ecrivain
21 décembre 2019

Grande décision

Ernest Rutherford at 25

Comme dit dans mon précédent message du 30 novembre, j'ai commencé au mois de juin dernier à rédiger une biographie romancée d'Ernest Rutherford.
Après bientôt sept mois de travail, je viens d'entrer dans l'année 1907. 

Sachant que j'ai commencé mon histoire en 1896 (alors qu'Ernest a 25 ans) et sachant qu'il a vécu jusqu'en 1937, je peux estimer avoir réalisé un quart du fabuleux défi que je me suis imposé. 
Un défi passionnant, de par le personnage dont je retrace le parcours, de par ses découvertes révolutionnaires, de par les figures dont il a croisé la route (Marie et Pierre Curie, Paul Langevin, Harriet Brooks, J.J. Thomson et plus tard Hans Geiger, Albert Einstein et tant d'autres). Et puis l'époque, ce tournant entre XIXè et XXè siècles, avec ses prodiges et ses désastres, est une toile de fond fascinante.
Reconstituer ce cadre et redonner la parole à ces femmes et à ces hommes demande un énorme travail de documentation, mais cela procure aussi un plaisir immense quand l'écheveau se démèle et le puzzle s'assemble, le décor prend vie, les personnages s'animent.

Plan of the old Cavendish Laboratory - 1

La documentation, je l'ai accumulée pendant plusieurs années avant de me lancer dans l'écriture. Les travaux de Rutherford, les lieux, les personnages secondaires,je devais me donner les moyens de les connaitre.
Une fois lancé dans la rédaction, j'ai évidemment continuer à rechercher des informations : outre les 13 livres en vrai papier d'arbre que je me suis procurés (dont l'un très ancien, consultable aussi en ligne), j'ai empilé 130 fichiers PDF (dont la thèse de Marie Curie, soutenue à la Sorbonne en 1903, ou bien le livre Radioactivity de Rutherford, paru en 1904 et révisé en 1905, ou encore les mémoires de Joseph-John Thomson, patron du laboratoire Cavendish de Cambridge pendant 35 ans).
A cela s'ajoutent des centaines de photos, de plans, de coupures de presse (provenant de Nouvelle-Zélande, du Canada, de France, de Suisse...)

MAP OF NEW ZEALAND 1899

Un tel labeur (auto-imposé et que l'on pourrait donc rapprocher d'une certaine forme de masochisme) explique donc la durée non négligeable qu'il m'a fallu pour arriver à cette année 1907 et à la 330ème page de mon roman. 

Et puis il y a mon sens du détail (mon obsession pathologique du détail) : j'ai ainsi passé trois jours à retrouver le nom de la bonne d'Ernest et May Rutherford quand ils habitaient à Montréal (elle s'appelait Henriette Elliot). J'ai aussi épluché les avis d'embarquement dans les journaux néo-zélandais pour reconstituer le parcours (lieux, jours précis, noms des navires) suivi par Ernest seul ou par Ernest et son épouse lors de leurs différents voyages dans leur pays natal (j'ai fait la même chose avec les journaux québécois pour leurs voyages transatlantiques). J'ai plongé dans les archives de la ville de Paris pour retrouver l'adresse de Paul Langevin, de Jean-Perrin ou de Pierre et Marie Curie sur les actes de naissance de leurs enfants. 

Acte de naissance d'Eve Curie - 6 décembre 1904

Tous ces détails n'ont résulté bien souvent qu'en un ou deux mots au milieu d'une page. Certains finiront peut-être aux oubliettes lors des relectures successives. Mais je voulais être précis. Je ne pouvais laisser dans l'ombre des personnages, certes très secondaires, mais qui avait partagé, même brièvement la vie du "héros" de mon roman. Il en allait de même avec les lieux, ces lieux qui n'existent pour certains plus du tout sous la forme qu'ils avaient dans les premières années du siècle dernier. Je ne donnerai comme exemple que la rue Gazan, qui longe le parc Montsouris, dans le XIVè arrondissement de Paris et où se tenait la maison de Jeanne et Paul Langevin (voir mon poste précédent pour savoir ce qui s'y est passé le 25 juin 1903). Mais Montréal, Christchurch, Manchester, Cambridge, n'ont, de la même façon, plus grand chose à voir avec ce à quoi elle resemblaient il y a 120 ans.

Certes, toutes ces recherches m'ont "retardé" dans la progression de l'écriture (je mets des guillemets parce que c'est en réalité un plaisir unique, un plaisir d'enfant dans un labyrinthe, ce jeu qui consiste à fouiller les archives, s'immerger dans une époque disparue et tomber, après de longues heures de traque, sur l'information tant convoitée). Mais j'ai aussi eu la "chance" (encore des guillemets) de me voir "offrir", de manière totalement inattendue, une période de quatre mois de "temps libre" (mon stock de guillemets est inépuisable). Quatre mois, c'est une belle opportunité pour faire avancer un projet aussi titanesque. 
Pour tout vous dire (c'est l'heure des confidences... ce qui n'est pas mon habitude), je me suis retrouvé immobilisé suite à une opération du dos... Autant dire que les premières semaines ne furent pas très efficaces en terme d'écriture (taper sur un clavier ou consulter des bouquins de trois kilos en restant allongé, ce n'est pas idéal). 
Heureusement, j'ai peu à peu retrouvé une certaine liberté de mouvement (je marche !) et j'ai alors réussi, progressivement, à rester assis à mon bureau sur des périodes de plus en plus longues. Depuis trois-semaines un mois, je commence à être sérieusement productif. 

Mais cette période va prendre fin. Et la productivité va chuter. Et c'est là qu'une grande décision s'impose. 

Il me reste un mois et demi "d'assignation à résidence", le temps de terminer de réapprendre à marcher convenablement. Il me reste donc un mois et demi pour me consacrer entièrement à mon livre. 
Or, selon les calculs savants exposés dans les premières lignes de cet article, il est totalement impossible de boucler dans ce délai les trente années de la vie de Rutherford qu'il me reste à rédiger. 
Alors j'ai décidé d'arrêter là... pour l'instant. 
J'ai plus de trois cents pages en mains, je viens d'arriver à un point crucial dans le parcours de mon "personnage" : ce que j'ai écrit jusqu'à présent constitue donc un ensemble cohérent, présentable... et déjà tellement riche d'événements, de découvertes, de rencontres !
J'ai donc décidé que ces 300 et quelques pages constitueraient le premier tome de cette grande aventure que fut la vie d'Ernest Rutherford. 
C'est ainsi que le temps qui me reste jusqu'en février, je vais le consacrer à relire, compléter, alléger, corriger, rééquilibrer, vivifier ce premier tome. 
Et faire en sorte qu'il donne envie aux lecteurs de découvrir la suite...

Chercher le principe même du monde - Poste de travail 20 décembre 2019

Légende des illustrations (de haut en bas) (les liens renvoient vers les sources) :
- Ernest Rutherford à 25 ans (1896)
- Plan du rez-de-chaussée du vieux laboratoire Cavendish à Cambridge (1870)
- Carte de Nouvelle-Zélande (1899)
Acte de naissance d'Eve Curie - 6 décembre 1904
- Mon bureau - 20 décembre 2019

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Commentaires
S
Merci Zazy. Très belle fêtes également. C'est vrai qu'une biographie, si l'on veut respecter la réalité des événements, est une occupation de très longue haleine. Mais est-ce un travail quand le plaisir est là ? C'est plutôt une passion... dévorante !
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Z
Je n'imaginais pas la somme de travail que représente l'écriture d'une biographie. Chapeau. Attendons la sortie et bon courage sans oublier de très belles fêtes de fin d'année
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A
Je suis admirative de ton travail. Ce n'est pas une décision facile j'imagine.
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