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Sébastien Fritsch, Ecrivain
4 février 2008

Gustave Flaubert - Madame Bovary

Pourquoi me suis-je replongé dans la lecture de Madame Bovary ? Pour voir si mes goûts littéraires avaient évolué depuis vingt-cinq ans ? Peut-être. Ado, j'avais souffert en lisant ce roman, de même qu'avec Salambô. Je m'étais donc dit que Flaubert n'était pas pour moi. Allais-je revoir mon jugement ?

Ce fut un peu le cas : je ne peux pas dire que j'ai souffert. J'ai même découvert quelques éléments plaisants dans ce roman. Certains personnages sont bien campés (Homais, le pharmacien vantard et anticlérical me parait le plus réussi), certaines scènes sont d'intéressants reportages sur les moeurs de l'époque, quelques passages sont habilement construits (tel que le premier tête à tête entre Emma et Rodolphe, montés s'isoler dans un salon de la Mairie, tandis que dehors la fête des comices agricoles bat son plein : l'aternance des déclarations d'amour et des discours pompeux des élus qui vantent les mérites de leurs braves administrés campagnards est une vraie réussite). A de nombreuses reprises, j'ai aussi détecté de jolies pointes d'humour auxquelles j'étais resté totalement hérmétique à la première lecture.

Le bilan final est assez positif, donc. Pourtant... Pourtant, même si je conçois fort aisément qu'un caractère maniaco-dépressif n'envoie pas un bristol à chaque changement d'humeur, les revirements d'Emma sont vraiment trop brutaux : émue par le médecin qui vient soigner son père, elle accepte de l'épouser, et dès les festivités du mariage passées, s'ennuie déjà à ses côtés, le trouve minable alors qu'elle-même n'est pas sortie de la cuisse de Jupiter ; amoureuse brûlante dans les bras de Rodolphe, elle se consume de dévotion religieuse dès lors qu'elle commence à se dire que ce n'est pas très joli joli ce qu'elle fait là. Je le répète : un personnage lunatique peut passer d'un extrême à l'autre, c'est indéniable, mais Flaubert ne présente pas vraiment la façon dont cela se produit, quels sont les facteurs déclenchant chaque changement d'humeur de la dame. Il semble ne pas vouloir aller au fond de la psychologie de ses personnages. Un autre exemple est représenté par Rodolphe, l'homme avec qui Emma passe à l'acte (après un amour inavoué pour le jeune Lucien) : collectionneur de liaisons, l'homme est un fieffé manipulateur, travers indispensable pour arriver à ses fins. Or, il ne se montre sous ce visage qu'avant sa relation avec Emma, puis après, au moment d'une lettre de rupture faussement larmoyante. Mais, pendant, il n'en laisse rien paraître. Bien sûr, il doit garder secrets ses vrais desseins devant sa maîtresse, mais comme Flaubert affiche les pensées de ses personnages, il pourrait très bien laisser parler Rodolphe in petto, pendant sa liaison avec Emma, comme il le fait si bien au moment de la rédaction de la lettre de rupture (Rodolphe fait des petits commentaires plein d'humour à propos des phrases qu'il écrit, les jugeant tout à fait bien tournées pour mystifier son ex-maîtresse et lui faire croire qu'il la quitte par obligation, mais vraiment à contre-coeur). Au lieu de cela, le bon Gustave me laisse l'impression d'avoir oublié, pendant des dizaines de pages, qui était Rodolphe. Peut-être que ce manque de finesse psychologique, m'apparaît d'autant plus flagrant à cause du roman que j'ai lu juste après... Et dont je parlerai prochainement.

En plus, il y a quelques passages qui font "remplissage" : la jeunesse de Charles Bovary (cela n'aide pas spécialement à comprendre le côté "minable" que lui reproche Emma), les comices, l'opération du pied bot du garçon d'écurie de l'auberge (dont les conséquences désastreuses sur la carrière de Charles sont attendues... et n'apparaissent pas).

Alors donc, même si cette lecture n'était pas si désagréable, j'ai laissé tomber. Il me reste une centaine de pages, mais j'ai abandonné au début de la troisième partie, quand il semble évident qu'Emma est repartie pour un tour avec son premier amant (platonique), le brave Lucien. Il y a des chances pour que ça ne reste pas platonique, cette fois-ci, mais bon, c'est comme une série américaine à l'eau de rose : on peut rater un épisode, on comprendra toujours l'histoire (en plus je connais déjà la fin, alors...)

Il faut dire, aussi, qu'une belle pile d'autres livres me fait de l'oeil. Entre ceux que je viens d'acheter (Pagano, Lesbre, Mauvignier, Vargas), ceux que l'on m'a prêtés ou offerts (Cauwelaert, Schmitt, Faulkner, Zoé Valdès, Lehane, Cioran, Irving et Chrystine Brouillet, qui attend depuis des mois, elle) sans compter tout ce que j'ai envie de relire (notamment Vian et Balzac), je n'étais plus tellement motivé pour continuer à suivre les malheurs d'Emma. Peut-être le reprendrai-je un jour... En attendant, je viens de dévorer "Les Adolescents troglodytes", d'Emmanuelle Pagano. Tout à fait autre chose. Commentaire demain.

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Commentaires
S
@ Audrey, tu as mille fois raison. Je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête. Désolé pour l'erreur.
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A
Le jeune amour platonique d'Emma s'appelle non pas Lucien mais Léon.
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V
Moi j'ai vécu ce livre, à l'époque. J'en garde un merveilleux souvenir. <br /> Je me suis attachée à Emma comme si je la connaissais.<br /> ça fait longtemps, aussi...<br /> IL faudrait que je le relise. Peut être alors que les choses ont changé.
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S
@ Tidoigts. Je reconnais que pour se plonger dans le contexte, ce roman est intéressant. Mais j'avoue qu'il est aussi assez efficace pour se plonger dans l'ennui ;0)<br /> J'exagère sans doute un peu, et peut-être que si je n'avais pas eu autant d'autres livres en attente, j'aurais fait un effort. Mais je ne regrette pas d'avoir abandonné celui-ci pour le suivant. Schmitt et Faulkner vont attendre un peu, mais j'ai hâte aussi de voyager avec eux.
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T
je me souviens quand ma mère m'a mis ce livre-là dans les mains, j'avais 13 ans. elle pensait déjà au bac français, moi je préfèrais lire les partitions des quatuors de mozart...j'ai dû lire une dizaine de pages. aujourd'hui je peux lire ce genre de choses si je m'imagine dans ce contexte. Je te l'ai dit je crois, j'ai été fascinée par "mémoires d'un fou", il y a un passage étonnant sur le sentiment d'être un étranger dans son propre monde, que j'ai relu plusieurs fois. so romantic! <br /> pour toi, si cela représente un document, c'est tout autre chose, j'imagine!<br /> faulkner et schmitt. nous avons des goûts en commun...<br /> bonne chance pour le prochain livre!
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