Pierre Lemaître - Robe de marié
Une chose certaine avec Pierre Lemaître, c'est qu'il sait entraîner ses lecteurs dans son univers. Une écriture vive, sans fioritures, quelques scènes chocs dès le départ, un malaise qui ne se fait pas attendre, entretenu par ces mêmes scènes mais aussi par les doutes qui s'installent, voilà les ingrédients qu'il utilise pour nous faire adhérer à son intrigue.
Mais ce n'est pas tout : le point principal, à mon avis, est son souci du détail et, surtout, du détail tellement banal, tellement quotidien, qu'on a l'impression que la vie de ses personnages, c'est la nôtre. Comme Sophie, dont nous suivons le calvaire dès les premières pages, nous sombrons peu à peu dans la folie. Et nous en arrivons à nous demander si ce qu'elle subit ne pourrait pas nous être infligé un jour. Car tous les détails banals de son existence, si proche des nôtres, se révèlent être les outils d'une machination sinistre.
C'est donc surtout ce réalisme qui m'a fait plonger sans retenue dans ce roman, et m'a permis d'oublier les quelques défauts de l'ouvrage. Tout d'abord un style "efficace", mais seulement efficace, donc pas spécialement admirable. Bon, d'un autre côté, cette écriture simple, rapide sert bien le propos et, comme je le disais plus haut, elle participe aussi à happer le lecteur. On oublie donc cette simplicité stylistique, en se disant qu'on n'est pas là pour lire de la grande littérature, mais juste pour essayer de se faire palpiter le palpitant. Plus gênant sont les quelques facilités scénaristiques que se permet l'auteur. Alors qu'elle est en fuite, son héroïne rencontre une jeune femme qui a presque son âge qui pourrait lui ressembler et qui (la succession d'événements laisse dubitatif) lui vole sa valise, vient s'excuser, l'invite à manger chez elle et, finalement, lui permet (très involontairement) de trouver un moyen encore plus efficace de fuir. Autre "facilité" : le postulat selon lequel un acte de naissance falsifié permet de changer de vie. Si tout était si simple...
Ceci étant, ces petits détails ne m'ont pas gêné outre mesure : comme je l'ai dit, je me suis laissé entraîner dans l'intrigue... jusqu'à un certain point. Car si le réalisme du début du roman est une réussite et augmente le sentiment d'identification (et donc le malaise), il est dommage que, dans les dernières pages, l'auteur trébuche sur quelques invraisemblances grossières qui viennent gâcher l'impression générale. Peut-être s'agit-il là d'autres petites "facilités scénaristiques" ; mais, tandis qu'elles peuvent passer quand on est pris dans l'intrigue (peut-être parce qu'on se dit toujours qu'elles s'expliqueront ensuite), elles déçoivent sérieusement quand elles sont utilisées pour conclure un roman qui jusque-là s'avérait palpitant. On en ressort avec l'impression d'un pétard qui fait long feu.
D'autres avis plus positifs et un peu plus de détails sur le contenu ont été donnés par Amanda et Caroline (c'est d'ailleurs elles deux qui m'ont donné envie de lire ce roman) ou Cunéipage, tandis que les billets rédigés par Pickwick ou l'Ogresse permettent de contrebalancer un peu cet enthousiasme... sans pour autant le réduire à néant.