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Sébastien Fritsch, Ecrivain
15 septembre 2009

Relire

Sur certains blogs d'auteurs, on peut parfois suivre les différentes étapes de la création d'un roman, les questionnements, les moments de joie ou de doute qui président à cette gestation. Pour ma part, je n'ai jamais été tellement porté vers ce genre d'exercice. Plusieurs raisons à cela. La première est peut-être que le présent blog ne répond pas tellement à la définition de ce que devrait être un journal intime sur le net : confidences, secrets et états d'âmes y sont plutôt rares.
Ensuite, il est évident (pour ma part, du moins) que quand j'écris, le temps m'est compté ; il en reste donc peu pour venir rédiger des billets par ici.
Enfin, et c'est là, en fait, le motif principal de mon silence à propos de l'évolution de mon quatrième roman (alors, dans ce cas, me direz-vous, pourquoi avoir écrit tout ce qui précède, sinon pour donner de la consistance au présent message, comme s'il fallait me rattraper de semaines de silence bloguesque ? Et la présente parenthèse n'est-elle pas là, elle aussi pour assurer ce remplissage ? Enfin bon, revenons-en à ce quatrième roman), à propos duquel j'ai pourtant déjà fait quelques allusions (ici et ) mais que j'ai commencé à vraiment pouvoir finaliser il y a seulement quelques mois, le motif principal de mon silence, disais-je donc, est cette simple évidence : tant que rien n'est fini, rien n'est sûr d'être fini.
Est-ce de la superstition ? Non, juste un certain pragmatisme : la vie et ses virages, l'envie de goûter ses joies et l'obligation de répondre à ses contraintes imposent parfois de laisser en suspens un roman. C'est ce qui m'est arrivé avec "Invitation pour la petite fille qui parle au vent". Débuté en janvier 2007, il a été mis en sommeil dès le mois de juillet suivant. Et quand je me suis penché de nouveau sur la couveuse en mars 2009 (entre-temps, j'avais quand même écrit "Le Sixième Crime" et "Derrière toute chose exquise"), rien ne me permettait de savoir si cette mésaventure ne surviendrait pas de nouveau. Heureusement, ce ne fut pas le cas : malgré quelques difficultés pour me remettre à l'ouvrage entre mars et mai, j'ai connu par la suite quelques coups de chance (même si la chance n'existe pas : c'est simplement le nom que l'on donne aux évènements imprévus dont on sait tirer parti) qui m'ont permis d'entrer de nouveau dans ce roman.
Et "entrer", il le fallait. Un peu maso sur les bords (mais il faut l'être pour écrire, cf ce qu'en disait un grand écrivain contemporain), je m'étais effectivement imposé des contraintes drastiques (plusieurs époques, plusieurs points de vues, plusieurs intrigues reliées par leurs protagonistes communs), contraintes qui nécessitaient une complète immersion dans mon histoire. Immergé, j'ai donc pu l'être, grâce à ces "coups de chance" dont je parlais : j'ai suivi mes personnages, je les ai laissé me montrer ce qu'ils avaient sur le coeur, me raconter leur passé, leurs passions, leurs désirs et leurs désillusions, me révéler aussi leurs petits défauts et leurs grands travers, voire, pour certains, me dévoiler certains pans dramatiques de leur existence que je n'avais jamais soupçonnés. En somme, cette phase d'immersion m'a permis de découvrir tous ces éléments dont on n'a pas connaissance à la première rencontre, mais qui ne se révèlent que lorsque l'on devient de vrais amis intimes. Et c'est seulement alors, après avoir créé ces liens d'amitié avec tous mes personnages, que j'ai pu écrire leur roman.
Parce qu'écrire (en tout cas pour moi) ce n'est pas inventer une histoire, c'est raconter des souvenirs. Des souvenirs inventés, bien sûr, mais travailler sur des souvenirs, même inventés, c'est un démarche très différente de celle qui consiste à aligner des paragraphes en laissant courrir son imagination du côté où le vent l'entraîne. Parce que tous ces souvenirs sont si présents qu'ils imposent eux-mêmes l'ordonnancement des phrases. Comme si, en fin de compte, je les faisais miens. Comme si les lieux, les évènements décrits, les paroles prononcées faisaient partie de mon propre passé. Un peu comme si je faisais de l'autofiction, mais en devenant d'abord schizophrène pour pouvoir vivre plusieurs autres vies que ma réelle et propre vie.
Bon, tout ça pour vous dire que, maintenant (depuis deux semaines, en fait) "Invitation pour la petite fille qui parle au vent" est arrivé au bout. Cela ne veut pas dire que le roman est achevé : cela veut dire que j'ai enfin rédigé la dernière scène, une scène qui était déjà clairement définie et décrite en détails depuis deux ans, mais qu'il fallait que j'atteigne en remplissant les vides qui restaient entre la première et la dernière ligne. Des vides pas si vides, puisque la majorité des chapitres était déjà définis (voire décrits en détails), mais qui ne pouvaient se remplir tout seuls, en laissant couler des mots et des signes de ponctuation comme on arrose des fleurs : il fallait y mettre aussi un peu de cet engrais qui s'appele la passion.
Maintenant que je suis arrivé au point final, que ma première et préférée lectrice a lu et approuvé la chose, je suis donc passé en phase de relecture. Ce qui, je le sais aussi, peut encore prendre quelques semaines, puisqu'il n'y a évidemment pas qu'une seule et unique relecture. Mais c'est une phase plus facile quand même. D'abord parce que je n'ai plus besoin de m'immerger dans le roman : je l'ai été, je le reste (des souvenirs pareils, ça ne s'oublie pas). Ensuite, parce que ça peut se faire sur des durées plus courtes : une heure par ci, une heure pas là, tandis que l'écriture demande un minimum de trois ou quatre heures de disponibilité totale.
Plus facile, donc, mais pourtant indispensable, la relecture. Parce que, même si parfois il n'y a pas grand chose à changer....

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... à d'autres moments on se rend compte qu'il valait mieux remettre l'ouvrage sur le métier.

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Et après ça, il faudra saisir les corrections, puis relire, recorriger sans doute et relire encore. Jusqu'à ce que je puisse me dire que je pose enfin le point final. Pas celui du roman, qui existe déjà, mais celui de l'aventure qui a consisté à l'écrire.

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Commentaires
S
@ Callophrys : moi aussi, je suis impatient. Mais je ne maîtrise pas tout. Et puis... je me suis encore plongé dans une énième relecture (la dernière peut-être).
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C
tu decris à merveille le metier,la passion d'ecriture de l'ecrivain...Du coup j'attends la sortie de ton prochain livre en esperant que ce ne soit pas trop long encore....je sais je suis impatiente!! LOL!
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S
@ Lucile : merci pour tes voeux. La relecture avance bien : j'ai déjà terminé une lecture complète (avec plein de modifs) et j'en ai entamé un seconde il y a quelques jours... et déjà pas mal de modifs. Mais c'est une phase sympa, où je m'amuse à polir la musicalité des phrases, à serrer quelques boulons par-ci par là pour alléger des passages, améliorer le rythme d'autres scènes. C'est un vrai plaisir de jouer à ce jeu-là.<br /> Bon courage à toi si tu te relances dans ton projet d'écriture. Et en plus, du courage, il faut aussi ce dont tu parlais dans ton message : de la patience.
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L
Coucou Seb! Me revoici par ici pour prendre connaissance de ton actualité littéraire (c'est presque un "one-shot" : pas encore d'internet à la maison, je ne suis pas passée ici depuis des lustres! :( ), me voilà servie! C'est très chouette que tu partages tout ça avec nous. Comme Antigone, je suis admirative de ta patience... De mon côté, l'ouvrage à peine commencé est déjà mis de côté. Je vais songer à le reprendre... Un jour! :)<br /> Et j'ajoute que je SUIS impatiente! Tu nous mets vraiment l'eau à la bouche avec tes histoires de sauts dans le temps, tout ça... J'espère que toute la suite (corrections etc.) se passera bien!<br /> Bises et à bientôt!
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S
@ Catherine : oh, il n'est peut-être pas indispensable que les lecteurs apprennent la patience : leur impatience est parfois bien agréable pour l'écrivain. De là à jouer avec cette impatience... je n'oserais tout de même pas !
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