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Sébastien Fritsch, Ecrivain
1 décembre 2007

Nicolas Dickner - Nikolski

Nikolski est venu jusqu'à moi par l'action conjuguée de Lucie et de deux de mes amis lyonnais qui ont traversé la "Grande Mare" fin octobre, pour baguenauder quelques semaines au Québec. Grâce à eux, j'ai donc pu découvrir Nicolas Dickner et je découvrirai bientôt, suite à cet échange littéraire transatlantique, deux autres écrivains canadiens,auteurs de polars (ils dorment pour l'instant dans mon étagère de livres en attente de lecture).   

La première phase de ma découverte de la littérature canadienne, qui fut donc guidée par Nicolas Dickner, fut très agréable, je dois l'avouer (même si une petite déception est arrivée ensuite...)
Mais commençons d'abord par le côté positif. Cet homme là sait écrire, c'est indéniable. Il manie très habilement un langage vif, imagé, souvent amusant, qui sait tout aussi bien nous peindre des décors de grands espaces ou de villes, nous évoquer des états d'âmes de fin d'adolescence, ou nous faire part avec la plus grande précision (mais sans être ennuyeux) de considération cartographiques, archéologiques, ethnologiques, informatiques, ichtyologique, etc. Mais là encore, le style vivant et piquant sait faire sourire, même sur des digressions de ce genre.

La trame du roman en elle-même est un voyage. Un voyage entre trois vies, un voyage sur une décénnie (de 1989 à 1999), un voyage qui ramène toujours aux rues de Montréal, quel que soit le point de départ : les plaines de la Saskatchewan, un village de pêcheurs de la Basse-Côte-Nord ou une librairie de la Petite-Italie. Oui, ce dernier lieu est lui-même situé dans Montréal, mais le personnage qui y passe ses journées a une telle propension à divaguer qu'il semble souvent revenir de très loin. A moins qu'il revienne simplement des livres.

Mais la métropole québécoise n'est pas le seul point commun des trois vies que Nicolas Dickner nous invite à suivre. Il y a aussi l'âge de ces deux garçons et de cette fille (environ 20 ans en 1989, première époque du roman. Tiens, c'est marrant, j'avais quel âge, moi, en 89 ? Lucie, est-ce un hasard ?). Il y a aussi leur état d'esprit, leurs airs un peu paumés, leurs envies de changer d'air, peut-être pour changer de vie, peut-être pour simplement retrouver les repères de la vie qui aurait dû être la leur, si... si l'autre point commun de leur existence n'avait pas disparu.

Cet autre point commun, que je cite en dernier mais qui est fondateur de tous les autres, s'appelle Jonas Doucet. Oncle de la jeune fille, il est géniteur (peut-on dire père?) des deux garçons. Deux garçons qui ne se connaissent pas, puisqu'ils n'avaient aucune raison de se rencontrer : ils sont nés de deux mères différentes, aux hasard des pérégrinations de ce baroudeur de Jonas Doucet. Aucun de ces deux demi-frères ne connait ce géniteur, pas plus que leur cousine, d'ailleurs.
Et les repères que recherchent ces trois jeunes, de même que leur mal-être, lié à leur mode de vie solitaire, de même que tout leur comportement et leurs choix, semblent influencés par cet invisible parent.Dickner_nikolski

Mais que trouveront-ils de significatifs au cours de leurs recherches ? Un métier ? un rôle ? une mission ? une relation ? une passion ?
Et ce qu'ils trouveront est-il vraiment ce qu'il cherchaient ?
Et ce qu'ils trouveront leur permettra-t-il de se satisfaire ?
Et ces trois recherches personnelles trouveront-elles entre elles un lien, un point de croisement, que la ville de Montréal semble pouvoir être ?

Je me suis posé toutes ces questions. Quelques réponses sont données. Mais beaucoup restent en suspens.

Pourtant, on continue la lecture : portraits plaisant, ambiance bien dépeintes, style vif, imagé, amusant m'ont entraîné encore avec plaisir de page en page.

Et c'est ce qui reste, une fois le roman refermé : le style. Mais il reste aussi, malheureusement, l'impression que Nicolas Dickner a ouvert beaucoup de pistes sur lesquelles il n'a pas suffisamment avancé : des motivations pour ses personnages, leurs états d'âmes, la réalisation de certains de leurs projets, la succession de certains évènements qui devraient être forts, tout cela est traité avec beaucoup de superficialité.
Et dans ce contexte, les quelques hasards qui tombent du ciel (pour parfois ne pas mener très loin), semblent encore plus futiles. Comme des petites touches de peinture rajoutées sur la belle toile que Nicolas Dickner nous offre. Mais son art de l'écriture aurait été mieux employé si on avait pu trouver, derrière la toile, un peu plus de consistance.

En fin de compte, il s'agit quand même d'un bon roman pour ses ambiances, pour sa découverte de certains lieux et de certaines habitudes. Grâce à cela et à la plume de son auteur, j'aurais envie de suivre Nicolas Dickner dans ses prochains romans. Au moins pour voir s'il saura su faire oublier ce petit défaut du premier en approfondissant un peu plus ses sujets.

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Commentaires
S
@ Alice, j'ai lu ton billet plein d'enthousiasme. Je l'avais été un peu moins : comme je l'avais dit, même si j'avais aimé le dépaysement, les ambiances et le style, il manquait à mon sens un petit quelque chose dans ce livre. Un petit quelque chose que le prochain roman de Dickner possèdera peut-être...
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A
Je viens de mettre en ligne mon billet j'ai bcp aimé ce livre. C'est même un coup de cœur pour moi !<br /> J'aime cette bouffée d'ailleurs, j'ai aimé cette ouverture dans l'écriture de Nicolas Dickner. <br /> J'ai aimé voyager avec le narrateur, Noah et Joyce ! J'ai très envie de suivre comme toi comme tout ceux qui ont aimé ce livre, Nicolas Dickner :)
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S
@ Danaée, je suis allé voir ton commentaire. Nos avis se rejoignent effectivement. Mais le tien a donné lieu à un vrai débat littéraire, intéressant à lire.
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D
C'est drôle, j'ai fait à peu près le même commentaire de ce roman, il y a quelque temps!<br /> <br /> http://soleilentete.canalblog.com/archives/2006/10/19/2940066.html
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S
@ Tilu, En fait, j'avais cru, en lisant ton blog que tu étais plut$ot sur les hauteurs du Var ou des Alpes-de-Haute-Provence. Peut-être que je passerai par chez toi un de ces 4, en effet.
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