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Sébastien Fritsch, Ecrivain
26 avril 2008

Michèle Lesbre - La Petite Trotteuse

"L'esprit des murs ressemble parfois à un miroir imaginaire où vacille le reflet éteint du passé." (page 83)

La pluie, l'orage, la mer, la forêt, la ville, des villages, des hameaux perdus, et aussi une moto, deux chats, des livres et surtout une montre et sa petite trotteuse.
Les secrets des autres, les maisons des autres, les vies des autres, croisées quelques minutes ou quelques jours. Les leçons apprises de ces rencontres, de ces échanges de paroles ou même des silences. Le sens que l'on donne aux choses, aux situations, l'interprétation de la réalité et de tous les détails qui la composent. Interprétation parfois juste, parfois troublée par des a priori ou nos propres souvenirs. Et inversement, on cherche dans ces scènes de la vie quotidienne actuelle à revivre des scènes disparues à jamais, disparues parce qu'ont disparu ceux qui jouaient ces scènes à nos côtés. Des scènes de bonheur, décorant nos souvenirs d'enfant ; des scènes dures, tendues, parcourues de silences lourds et d'agressivité. Toutes resurgissent, à cause de la lumière d'un soir, du frôlement d'un chat, de la clarté d'une maison vide qui donne sur la plage.
C'est un très beau tableau de vie, ce roman de Michèle Lesbre. Un tableau d'autant plus beau qu'elle sait peindre en touches douces, une palette très large de sentiments, de sensations, d'émotions et elle sait dire, entre les lignes, tous ces non-dits qui alourdissent nos pas, retardent notre avancée sur le chemin de la vie, notre propre vie, enfin indépendante des fantômes de notre passé.
Et puis, elle écrit si bien. Elle écrit en prose, mais ses images, sa façon de faire ressortir le sens des objets, du vent, des couleurs, des lumières, c'est de la poésie, claire et touchante.
Enfin, il faut également souligner le travail de construction de ce roman. Pas à pas, on pénètre au plus profond des souvenirs de la narratrice. On avance avec elle, puis, avec elle, on revient vers son passé. On regrette, on désire, on rêve, on mélange le vrai, le faux, le ressenti, les souvenirs. Et on finit par en savoir un peu plus sur cette femme qui se cherche dans les décors des vies des autres.
La mémoire de chacun d'entre nous, agit toujours ainsi en fait : le passé ne revient jamais d'un bloc, organisé et monté comme un film propret et prêt à vendre. Le passé ne nous visite que par bribes, par touches impressionnistes, tendres ou blessantes, franches ou mensongères, passées au filtre des jours qui ont suivi. Ces jours qui n'appartiennent qu'à nous et dont nous devons nous rendre maîtres.

lesbre_la_petite_trotteuse

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Commentaires
S
@ Kiki, je serais ravi pour lui s'il a le Goncourt... mais je ne finirais pas pour autant son livre de nouvelles.<br /> Je suis tout à fait comme toi, j'aime qu'un texte porte des émotions, me fasse vibrer, et on peut trouver ça dans des styles variés, tous plaisants. Et heureusement : que serait la littérature si nous écrivions tous pareil ?<br /> Ainsi, le "Sixième Crime" est en route vers chez toi ? Alors, bonne lecture et peut-être tomberas-tu avant cela sur un article dans "Info"...
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K
Celui dont je crois que tu parles est en bonne position "au stand" du Goncourt de la nouvelle, non, tu rêves pas... C'est vrai que nous n'écrivons pas du tout pareil avec Michèle Lesbre mais je me sens proche de cette auteure, sûrement quelque chose de l'ordre de l'émotionnel, j'aime qu'un texte me fasse vibrer! Sinon, oui, Info fait de chouettes articles et j'attends la livraison du Sixième crime!
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S
@ Kiki, c'est amusant, en effet, ce point commun géographique entre elle et toi. D'autant plus que je l'ai lu en même temps que ton "Existe en Ciel" et que, toutes les deux, vous m'avez rassurez : il existe encore des gens qui écrivent bien et savent faire passer de la sensibilité dans leurs textes (pas comme celui que je lisais juste avant !). Pourtant, vos styles sont très différents. Mais... je vois peut-être un autre point commun : l'évocation douloureuse de l'enfance.<br /> A part ça, je vois que tu as de saines lectures : on ne parle effectivement que de gens bien dans "Info". Exemple : http://sebastienfritsch.canalblog.com/archives/2007/06/21/5375411.html
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S
@ Lucile, je ne peux que t'inviter à le noter. Et moi, je m'invite à aller découvrir les autres romans de cette dame.
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K
J'aime beaucoup la sensibilité de cette auteure et, en lisant Info ce matin, j'ai appris qu'en mai 68, elle était institutrice dans un petit bled à côté de Clermont-Ferrand, tout proche de celui où était la maison de mes grands-parents, c'est drôle, non?
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