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Sébastien Fritsch, Ecrivain
29 novembre 2016

Elena Ferrante - L'Amie prodigieuse

Elena Ferrante - L'Amie prodigieuse

Ce roman m'attirait à la fois par le côté historique et sociologique que je pensais y trouver (une plongée dans les années cinquante d'un quartier pauvre de Naples) et par son côté italien justement, avec toutes les idées (les poncifs peut-être) qui s'y rattachent : émotions à fleur de peau, paroles vives, échanges truculents, gestes violents, secrets pesants, hommes dominateurs et séduisants, femmes manipulatrices et séduisantes, honneur en toile de fond de chaque mot, chaque geste, chaque secret, chaque regard entre hommes et femmes...

Finalement, me voici bien déçu : le style est plutôt plat, pour ne pas dire fadasse. Quant au côté historique, sociologique, il est bien maigrichon. Sans doute est-ce justement lié à l'écriture : tout n'est qu'ébauché, rien n'est approfondi ; les renversements de situation se font comme tourne le vent : d'une page à l'autre, on est ami, puis ennemi, sans plus d'explication ; on se passionne pour les livres, puis on les délaisse, on jure qu'on ne reparlera plus à untel, puis on va vers lui ; et à chaque fois, aucune explication, ni pour comprendre une façon d'agir ni pour saisir le sens de celle qui lui est l'exacte opposée.
Les personnages qui vivent ces revirements sont eux aussi totalement plats : on ne va jamais au fond des choses, au fond des coeurs : les sentiments sont annoncés avec de grosses étiquettes collées dessus (Lina est méchante, Lenù est impressionnée par Lina, tous les garçons sont amoureux de Lina, Lenù est jalouse...) Mais d'où viennent exactement ces sentiments ? Je ne sais toujours pas après le point final. Rien, aucun détail, aucune scène dans laquelle l'auteur aurait fait l'effort d'insuffler au lecteur, par la description d'un évènement ou par un dialogue subtilement mené, le ressenti de ce qui passe entre les personnages. Alors on les voit défiler, changer d'avis, de passion, d'amis, d'amours, comme on regarde passer des trains. On lit la destination marquée dessus, sans ressentir l'envie de se laisser embarquer dans le voyage. 
Bien sûr, de temps en temps l'auteur nous promet des secrets, de ces blessures que l'on cache et qui aident à comprendre, le jour où elles se révèlent, pourquoi celui qui les porte avait ce caractère si excessif (méchanceté, jalousie, timidité...). Mais finalement, aucun de ces secrets ne transparait jamais.... et semble n'être, au bout du compte, que des artifices scénaristiques. Il faut se contenter des étiquettes. Lina est méchante. Contente-toi de ça. Même si on ne la voit jamais agir vraiment méchamment.

Dans un autre ordre d'idée, j'aurais cru que l'on entendrait parler de la mafia, dans ce roman, ou encore des rapports difficiles entre des clans de bords politiques opposés. J'imaginais que Naples, à cette époque, devait retentir bien souvent d'éclats qui trouvaient leurs sources dans ce genre de tensions... Mais, là encore, rien : à peine évoque-t-on l'étiquette "communiste" de l'un, les antécédents fascistes du père de l'autre ou les accointances mafieuses d'un troisième... et puis c'est tout. Comme si aller plus loin aurait demandé trop d'efforts. Comme si poser des mots usés, galvaudés, mais que tout le monde connait, et surtout sans chercher la vie qui peut se cacher derrière, cela pouvait suffire pour faire un roman. Mais non : à mon sens, c'est trop léger. A peine cela peut-il faire un mode d'emploi. Mais dans ce cas, on parle de machines, pas de personnages. 

Elena Ferrante a donné une suite aux "aventures" de Lina et Lenù. Mais il y a peu de chances que j'aille vérifier ce qu'elles sont devenues. Et, franchement, elles ne me manqueront pas.

 

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