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Sébastien Fritsch, Ecrivain
12 juillet 2015

On efface tout et on recommence...

gomme

Le 3 mai 2013 (il y a donc plus de deux ans), j'entamais l'écriture de la toute première version de mon sixième roman. De mois en mois, de périodes d'intense production en passages à vide, j'arrivai, au début de l'année 2015 à une version finale que je croyais définitive. A l'approche de l'été, j'ai commencé la relecture - la première relecture - j'ai arrangé, aménagé, complété, allégé ; j'ai éclairci, chassé le contresens, l'incohérence ; et je me suis lancé dans la deuxième relecture. Et j'ai compris que ça ne servait à rien. Ce roman était mauvais, tout simplement. C'était le type de roman que je n'aurais pas eu envie de lire. 

Mais qu'est-ce qui n'allait pas ? Tout. Ou presque tout : la structure, le style, l'ambiance. J'avais écrit un roman sous la forme d'un "retour aux sources avec révélations" : des gens se retrouvent, retournent là où ils ont vécus de grands moments, cherchent à comprendre comment cette vie a pris fin et tout finit bien dans le meilleur des mondes. Combien de fois a-t-on déjà lu ça ? Impossible de compter ! Mais un roman de plus dans cette veine là, était-ce bien utile ?

Obligatoirement, ce type de structure "retour vers le futur" impose l'évocation de souvenirs. Et évoquer plutôt que montrer ce qui se passe, c'est le meilleur moyen de donner un roman mou, sans vie, manquant de réalisme : tout semble sans importance puisqu'on ne fait que survoler les évènements sans jamais entrer dedans. C'est l'un des moyens les plus efficaces pour perdre le lecteur, en lui imposant à chaque page d'innombrables questions : ce détail est-il important ou est-ce une parenthèse ? Pourquoi quitte-t-on l'intrigue principale pour repartir vingt ans en arrière? Dois-je retenir cela ou est-ce juste une digression ?

Pour "parfaire" le tout, je m'étais mis dans l'idée de créer plusieurs intrigues secondaires... qui permettaient certes d'apporter quelques éclaircissements sur mes personnages... mais aussi beaucoup d'obscurcissements sur mon histoire.

Bien sûr, l'intégration de ces parenthèses, de ces sauts dans le passé, de ces intrigues complémentaires peut se passer très bien : il existe des techniques pour cela et il existe aussi un outil dont certains écrivains sont pourvus : le talent... Mais là, franchement, j'avais beau faire de mon mieux, beaucoup de ces retours vers le passé et de ces digressions me semblaient artificiels. Cela ressemblait plus à des sorties de route qu'à des déviations par des itinéraires pitoresques... Sans parler des changements de style qu'isl me poussaient à faire : un type désespérément sérieux s'exprime d'une manière froide et sans âme et, subitement, le voilà devenu lyrique parce qu'il se souvient d'une jolie fille qu'il a connue quand il avait quinze ans ? Incohérent ; voire ridicule.

C'est ainsi, qu'hier, après plusieurs jours à tourner autour du pot en ronchonnant, j'ai fini par comprendre : on ne rattrape pas un gâteau mal préparé. S'il est trop sucré, s'il est trop mou parce qu'il manque de cuisson, il n'y a qu'une solution : on balance tout et on en fait un autre ! Complètement différent. Finis donc les retours incessants et les évocations ; partons pour un voyage chronologique, concret, vivant, réaliste et, je l'espère, bien plus plaisant.

Evidemment, le privilège de l'écrivain par rapport au cuisinier, c'est qu'il peut extraire des ingrédients de son gâteau raté pour les intégrer dans sa nouvelle préparation. Tout ce que j'ai fait depuis deux ans n'est donc pas perdu. Certaines scènes retrouveront une place, c'est certain. Et tout ce temps et toutes ces pages écrites ont été d'autant moins inutiles qu'ils m'ont permis de mieux connaitre mes personnages, leurs histoires, leurs tempéraments, leurs tics, leurs goûts... En somme, j'ai passé deux ans à préparer ce roman et je vais maintenant l'écrire.

La décision fut difficile à prendre, mais tellement libératrice ! Et les cinq premières pages de cette nouvelle version me semblent vraiment plus vivantes, plus punchy... moins susceptibles de faire fuir le lecteur. Ce qui est putôt intéressant, non ? 

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