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Sébastien Fritsch, Ecrivain
23 mai 2012

J'ai rencontré la petite fille qui parle au vent

Les livres sont des sources de rencontres. Et le mois de mai en fut riche.

Tout d'abord, un groupe de lycéens (et leur prof de français et la documentaliste de leur lycée) m'ont invité à discuter autour de mes deux romans noirs (Le Sixième Crime et Derrière toute chose exquise). Pertinence des questions, vivacité des échanges, profondeur des analyses. Quel beau moment ! Et puis tous ces regards, toutes ces émotions, ces interprétations, offrirent à mes mots une valeur tout autre que celle que je leur donne quand je les pose sur le papier. 
Habituellement, je rencontre surtout des lecteurs qui n'ont pas lu mes livres : ce sont les visiteurs des salons, des librairies où je vais dédicacer. J'arrive à les convaincre de repartir avec l'un ou l'autre de mes romans, mais il n'y a que moi qui en parle. Et ces personnes, je ne les reverrai plus ensuite.
Là, dans ce lycée, j'avais face à moi des jeunes qui avaient lu attentivement, s'étaient interrogés sur le contenu des romans, sur mes méthodes, mes motivations, mes "astuces". Ils m'ont permis de réaliser ce qu'est vraiment le travail d'écrivain. Eh oui, même si ça peut paraître étrange, c'est par leurs regards que j'ai compris que c'était du sérieux. Evidemment, quand je passe deux, trois ou quatre ans à bosser sur un roman, je me rends bien compte que ce n'est pas juste un amusement, qu'il y a du vrai travail derrière ; mais (au risque de me répéter) c'est dans le regard des lecteurs que ce travail prend sa vraie valeur.
Et quand ces regards sont ceux d'une douzaine de jeunes curieux à l'enthousiasme communicatif, cela regonfle la mativation pour faire avancer mon cinquième roman...

Ensuite, ce même mois de mai m'a permis de faire deux salons du livre. Celui de Tournus, tout d'abord, où j'étais déjà allé l'année dernière. Et c'est là que je vais me contredire : en réalité, il arrive que l'on revoie des lecteurs rencontrés dans des salons du livre. En effet, deux lectrices qui m'avaient acheté Invitation pour la petite fille qui parle au vent l'an dernier sont venues me voir pour me dire comme elles l'avaient aimé. Là encore, on prend un peu de carburant pour faire avancer l'écriture en cours...
Est-ce pour cela que j'ai réussi, pendant un temps calme de ce salon, à rédiger les dernières phrases de mon cinquième roman ? Des phrases qui m'échappaient depuis des semaines, alors que je savais quel devrait être le dernier mot... Il me reste maintenant à combler les vides entre ces dernières phrases et les quelque deux cents pages déjà écrites.

Enfin, je suis allé au salon du livre de Lucenay, pas très loin de Lyon. Là, j'ai encore rencontré des organisateurs enthousiastes, des auteurs sympathiques et des lecteurs curieux. Parmi eux, une dame s'est avancée vers moi en m'avouant que le titre de mon roman la touchait particulièrement.
"Moi aussi, quand j'étais petite fille, je parlais au vent", m'a-t-elle simplement dit. Et son regard silencieux complétait dans la plus grande franchise cette courte phrase.
Intrigué, étonné, un peu mal à l'aise de n'avoir rien de plus qu'un roman à présenter à ce regard, j'ai fait mon baratin habituel, expliqué de quoi est faite mon histoire, quel en est le point de départ, quels en sont les personnages principaux... et pleins d'autres détails qui permettaient de combler le silence entre nous. Mais tout cela était inutile : elle le voulait ce roman ; et même si je lui en avais dit tout le mal du monde, je ne serais pas parvenu à la dissuader de le lire.
Je lui ai alors écrit une dédicace, classique, banale. J'étais incapable d'utiliser le point commun pourtant si facile qui liait sa propre vie et mes mots. Je lui ai tendu le roman, elle l'a pris. Et c'est seulement à ce moment-là que j'ai réussi à dire : "Mais pourquoi parliez-vous au vent ?"
Aussitôt, j'ai regretté cette question malhabile ; j'ai ajouté : "Mais je ne veux pas être indiscret... "
Pourtant je l'étais. Car si elle ne m'en avait pas parlé avant, c'est sans doute qu'il y avait une bonne raison. Alors elle m'a avoué le réconfort qu'elle recherchait en parlant au vent lorsqu'elle était enfant. Elle m'a parlé de la double douleur qui avait fait naître dans son coeur de petite fille ce besoin de consolation. Elle m'a expliqué pourquoi elle portait deux prénoms. 
"La vie se bâtit de rencontres, mais également d'absences...

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