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Sébastien Fritsch, Ecrivain
7 février 2010

Laurent Mauvignier - Des Hommes

Suite au mauvais souvenir que je gardais de Loin d'eux, j'ai débuté ce dernier roman de Laurent Mauvignier avec un a priori très négatif. Et je l'ai refermé admiratif.
L'auteur maîtrise son sujet (ou plutôt ses sujets) avec élégance, sans aucun excès, sans caricature : les personnages simples de la campagne française où il situe la première partie et l'épilogue de son roman, sont d'un réalisme saisissant. Mais rien n'est en trop, aucun détail n'est emprunté aux poncifs habituellement utilisés pour décrire cette population rurale, repliée sur elle-même, où tout le monde se connaît... ou croit se connaître.  
Dans la partie centrale (et principale) Laurent Mauvignier nous fait revivre les "évènements" d'Algérie, en suivant quelques gars de ce village paumé de France, envoyés là-bas comme tant d'autres. Là encore, tout est en finesse, en précision, sans grands mots, sans esbroufe. Pourtant, la peur, la violence, la barbarie sont là. Et le désoeuvrement inquiet de pauvres types qui se demandent ce qu'ils font là. Et le silence qu'ils remporteront chez eux, qui les suivra toute leur vie, toutes leurs nuits. Parce qu'aucun mot ne leur viendra pour dire les horreurs qu'ils ont vues. Et parce que, de toute façon, on saura leur répéter que ce n'était pas vraiment une guerre, qu'il n'y avait pas vraiment de face à face avec l'ennemi, que ça n'avait rien de comparable avec Verdun. Ah ! Verdun ! C'était une vraie guerre, ça, au moins !
Pourtant, l'horreur est bien réelle. Et a foutu en l'air la vie de tous ceux qui en sont revenus. Mais là encore, l'écriture de Laurent Mauvignier laisse admiratif : même si certains passages retournent le coeur, il sait les écrire avec justesse, sans en rajouter, sans vouloir en mettre plein la vue. Il écrit avec un grand respect pour toutes ces victimes, mortes ou survivantes. Qui ont pour seul point commun de n'être rien de plus que des hommes.
Admirable également est sa façon de ne donner aucun jugement. Même s'il écrit selon le point de vue des appelés envoyés en Algérie, il sait rester neutre, montrant bien qu'il y a des salauds et des braves gars de tous les côtés.
Enfin, je dois aussi parler de la construction des phrases de Laurent Mauvignier : un style proche du langage parlé (ou plutôt pensé), avec ses doutes, ses dénégations, ses contradictions, ses phrases qui s'interrompent, cèdent la place à une autre idée, qui se confond avec une autre, puis une autre, comme va le fil des pensées. Cela donne une narration très vivante, très humaine, qui nous plonge dans l'esprit du narrateur et nous pousse à vraiment nous identifier à lui. Un tel naturel doit demander un travail énorme. Mais un travail qu'on ne voit pas, comme celui qui a dû être nécessaire pour reconstituer ces vies, françaises, algériennes, déchirées. Un travail exceptionnel pour un roman exceptionnel. 

Mauvignier___Des_Hommes

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Commentaires
S
@ Catherine, sans vouloir te commander, essaie d'aller un peu plus loin dans ce roman. Il en vaut la peine.<br /> De mon côté, j'essaierai de ne pas rire trop fort en lisant Woody.
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C
Ma première impression n'était pas très bonne, mais au vu de ce commentaire, je vais reprendre la lecture de Mauvignier !<br /> Bonne lecture de Woody Allen et surtout bonne rigolade. Je connais une lectrice qui l'a lu un soir d'insomnie et a été obligée de s'exiler à l'autre bout de la maison pour ne pas réveiller les autres avec ses éclats de rire !!
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