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Sébastien Fritsch, Ecrivain
25 janvier 2010

Emmanuelle Pagano - L'Absence d'oiseaux d'eau

Ma déception à la lecture de ce livre fut sans doute à la hauteur de l'impatience que je ressentais au moment de l'ouvrir. J'avais tellement aimé Les Adolescents troglodytes, mais également (même si c'était dans une moindre mesure) Les Mains Gamines et Le Guide Automatique, pour leur écriture à la fois crue, dure et si poétique, si émouvante. Et puis, le principe de ce roman avait de quoi m'intriguer et titiller ma curiosité : il s'agit en effet d'un roman d'amour épistolaire entre deux écrivains, mais qui serait amputé de sa moitié masculine : la femme écrit, décrit, interpelle... et aucune réponse de l'homme ne nous est fournie. Mais qu'à cela ne tienne : elle, elle continue, en nous laissant deviner (théoriquement) ce que lui répond l'homme. Ainsi, après la déclaration, c'est le passage à l'acte, puis, immanquablement, la rupture.
Sur le papier (si j'ose dire) l'idée était bonne. Mais une fois lancé dans le livre, je n'ai pas réussi à m'intéresser, je suis resté à quai : la rivière de mots, de sentiments et d'ébats divers et variés décrits par le menu n'ont pas suscité autre chose en moi que l'ennui. Et la poésie, l'exploration des sentiments, l'exercice de style brillant que j'attendais autant l'un que l'autre, m'ont semblé avoir été emportés par le courant que je ne parvenais pas à suivre.
La première partie (dans laquelle les deux écrivains sont censés inventer cet amour uniquement en échangeant des mots) m'a paru trop artificielle, justement : cet amour était décidé, imposé, soit ; mais qu'est-ce qui a pu justifier qu'il n'en reste pas simplement aux mots, qu'il se concrétise en désir, puis en gestes ? Je n'ai pas compris. Sans doute parce que je n'ai pas réussi à deviner les mots de l'homme dans les réponses de la femme (enfin, pour être honnête, j'ai cru comprendre qu'il n'était pas aussi amoureux qu'elle, mais c'est tout). Alors, comme je l'ai dit, j'ai vraiment trouvé un côté artificiel à cette passion née ex nihilo.
Dans la seconde partie (celle de la "concrétisation"), j'ai trouvé les scènes de sexe très répétitives (tout autant que les déclaration écrites de la première partie, d'ailleurs) et très banales (on a la même chose dans SAS ou dans de nombreuses autofictions) et très superficielles : le sexe semble être une fin en soi et le seul lien qui unit ces deux êtres (pourtant deux écrivains qui, comme cela est dit au début du roman, sont censés être unis d'abord par une expérience de partage de leurs écritures. Mais comme on ne lit que l'une des deux écritures, on ne peut pas voir de partage). Finalement, ces scènes de copulation passionnelle m'ont semblé très froides (alors que les détails sont très chauds), parce que rien de solide ne paraissait les sous-tendre. Comme si l'amour, là encore, n'était qu'un artifice. Sans doute est-ce pour cela qu'on en est arrivé à la troisième partie.
Et ainsi vient donc la rupture... et quelques unes des plus belles lignes du roman. Sans doute la tristesse est-elle plus belle et plus touchante, je ne sais pas. Pourtant, malgré quelques jolies phrases, j'ai ressenti rapidement un peu d'ennui, du fait que l'expression de cette tristesse était, là encore, très répétitive.
Enfin, j'avoue que les métaphores aqueuses (l'homme est une rivière et la femme le lit de la rivière et il y a plein de canards et de poissons) m'ont laissé totalement froid.
Quelle conclusion tirer de cette lecture ? Je dirai que j'attends le prochain roman d'Emmanuelle Pagano : je ne voudrais pas rester sur une déception. Ceci dit, il me reste encore quelques-uns de ses romans plus anciens à lire. Nous en reparlerons donc.
Pour contrebalancer un peu ce billet négatif, je vous laisse lire l'avis très enthousiaste d'Antigone et celui, plus mitigé, de Catherine

pagano_l_absence_d_oiseaux_d_eau

 

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Commentaires
C
Dans le cadre du 5ème rendez-vous « Une voix à traduire », le CITL reçoit Emmanuelle Pagano le 30 juin 2009 à 18h00, à la médiathèque d’Arles (Espace Van Gogh).<br /> <br /> Plus d’information sur notre blog:<br /> <br /> http://collegedestraducteurs-arles.blogspot.com<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> L’équipe du CITL
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S
@ Sylvie : "Les Adolescents troglodytes" est le roman d'Emmanuelle Pagano que j'ai préféré. Je ne pourrais que te conseiller de le faire passer sur le dessus de ta LAL.
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S
Les adolescents troglodytes sont dans ma lal depuis longtemps. Je reste sur ce projet de lecture pour découvrir cette auteur dont on parle beaucoup.
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S
@ Antigone : j'avais aussi suivi son blog et je connais donc (un peu) l'histoire qui se cache entre les lignes de ce roman. Mais cela ne m'a pas aidé à entrer dans le livre. Après, c'est une question de sensibilité personnelle, sans doute.
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A
Est-ce que le fait de l'avoir rencontrée, et suivie sur son blog a modifié le sens de ma lecture ? Je me le demande en te lisant, car je sens bien tout ce que j'y ai mis et les incompréhensions que tu soulèves par ailleurs ! Elles sont justes, d'un certain point du vue.<br /> J'espère, oui, que lire par exemple "le tiroir à cheveux" va à nouveau te plaire !!
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