Jacques Poulin - Le Vieux Chagrin
"Quand vous commencez à écrire une histoire, vous êtes comme un voyageur qui a vu de très loin un château. Dans l'espoir de l'atteindre, vous suivez un petit chemin qui descend au flanc d'une colline vers une vallée couverte de forêt. Le chemin se rétrécit et devient un sentier qui s'efface par endroits, et vous ne savez plus très bien où vous êtes rendus; vous avez l'impression de tourner en rond.
De temps en temps, vous traversez une clairière inondée de soleil, ou vous franchissez une rivière à la nage. Au sortir de la forêt, vous escaladez une petite montagne. Parvenu au sommet, vous apercevez le château, mais c'est sur la colline suivante qu'il se trouve, et il est moins beau que vous ne l'aviez cru: il fait penser à manoir ou à une grande villa.
Sans perdre courage, vous descendez encore une fois dans une vallée, vous traversez une forêt obscure en suivant un sentier presque invisible, puis vous grimpez au sommet de la colline et, à bout de force, vous arrivez enfin devant le château.
En réalité ce n'est pas un château, ni un manoir, ni même une villa: c'est plutôt une vieille maison délabrée et, curieusement, elle ressemble beaucoup à celle où vous avez passé votre enfance."
(Cet extrait apparaît page 73 et 74 du "Vieux Chagrin", et, du début à la fin, il me rappelle fortement ce que je ressens quand j'écris).
Un roman à la saveur douce, garni de pépites de tendresse et nappé d'un mélange de sagesse et d'humilité à propos de l'art d'écrire et de la façon d'être écrivain.
Deuxième livre de cet auteur dans lequel j'ai glissé les mirettes. Et le charme opère encore.
Juste pôur info, dans le livre, "Chagrin" est le nom d'un vieux chat, qui suit son maître, écrivain solitaire, dans toutes ses activités (matinées d'écriture au grenier, promenades sur la plage, accueil d'inconnues...)