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Sébastien Fritsch, Ecrivain
3 novembre 2007

Sandor Marai - Les Braises

Sándor Márai est un écrivain hongrois né en 1900 et mort en 1989. Vous savez sûrement tout ça, vous qui passez par ici, mais moi, je n'avais jamais entendu parler de cet auteur avant qu'on me prête ce livre. Comme on me le prêtait et qu'on me le recommandait chaudement, j'avais très envie de le lire. Comme en plus, sur la quatrième de couverture (que j'ai lue avant de lire le livre, pour une fois) on compare Márai à Zweig, j'avais d'autant plus envie de le lire. Pourtant...

Mais commençons par le commencement. Tout d'abord, je dois dire que l'écriture de Márai est très agréable. C'est le genre d'écriture que j'aime : simple, claire, capable de dessiner avec précision et finesse les décors, les visages, mais aussi les émotions. C'est exactement ce que j'aime chez Zweig. Je retrouve la même chose chez Marai (même si le style est différent, quand même), ça me fait donc plaisir.

Ensuite, il y a l'ambiance. Comme la plume de Zweig, celle de Márai plonge le lecteur dans une époque et des lieux où l'on s'intègre avec facilité. On sait bien que l'on ne connait pas (je ne vivais pas en Autriche-Hongrie au début du vingtième siècle, je vous jure), mais on a l'impression d'y être comme chez soi... tout en étant malgré tout dépaysé. Les plaines déprimantes, les forêts étouffantes, les palais grandioses, les pavillons de chasse, l'école militaire de Vienne elle-même, sont croqués avec un langage si net qu'on y entre totalement.

Dans ces décors, nous commençons par faire la connaissance d'un vieux général, veuf, solitaire, reclus volontairent dans son château. Il reçoit une lettre au tout début du livre. Et dès qu'il l'a lue, il envoie une voiture en ville et il donne des ordres pour qu'un repas somptueux soit préparé. De toute évidence, la voiture est prévue pour ramener le rédacteur de la lettre. Un rédacteur qui annonce ainsi, par écrit, qu'il est revenu. Revenu d'où ? Revenu pourquoi ? Revenu après combien de temps ? C'est cette dernière question qui trouve réponse en premier : 41 ans. Cela fait 41 ans que le général et l'homme qui vient de lui écrire ne se sont pas vus. Le "où" et le "pourquoi" sont liés à cette durée.

Cet homme, le général souhaite le recevoir dès qu'il apprend son retour. Mais il veut aussi le recevoir en grande pompe, avec un repas exceptionnel qui sera servi dans une aile du château où le général n'a plus mis les pieds depuis... 41 ans.

Mais on n'en sait pas plus, et on replonge dans la jeunesse du général, dans son histoire personnelle, celle de ses parents, mais aussi celle d'un garçon qu'il rencontra à l'âge de 12 ans, et qui fit, comme lui, l'école militaire. Il devinrent les meilleurs amis du monde.
On comprend alors que l'invité suprise, qui revient après 41 ans de séparation, c'est ce meilleur ami.

Arrivés à ce point de mon billet, vous vous dites tous que je suis très bon pour écrire des quatrièmes de couvertures, mais qu'il faudrait que j'apprenne à être un peu plus concis ce livre doit être passionnant.

Et effectivement, le début m'a paru passionnant. Jusqu'à la page 65. Car à la page 65, les deux hommes se retrouvent.
Ils entrent alors dans l'aile du château où ils dinèrent ensemble pour la dernière fois avant leur longue séparation. Il ne manque qu'une personne pour que la scène actuelle soit la reproduction exacte de celle qu'ils vécurent 41 ans plus tôt : Christine, la femme du général.
Les deux hommes s'assoient, laissant vide la place de l'épouse décédée. Et ils commencent à parler. Et ils parlent jusqu'à la page 125. Oui, messieurs, dames, c'est comme je vous le dis : 60 pages de dialogues. Pour dire quoi ? Rien.
Ah, bien sûr, ils parlent quand même, des tas de sujets sont abordés : La vie sous les tropiques (là où a vécu le meilleur ami), l'amitié, la fidélité, la vieillesse, etc... Mais aucune réponse aux questions que l'auteur a soulevées au départ.

En fait, le Général tourne laboriseument autour de son sujet. Je veux bien qu'à l'âge des deux messieurs, on ressasse le passé, on cherche la justification en réécrivant l'histoire, mais pour nous, pauvres lecteurs qui avons subi toute notre enfance les souvenirs de guerre de la tante Gertrude chaque soir de Noël, ce genre de discussion vide qui s'étale sur 60 pages, c'est la corvée. Et, en plus, on n'a même pas un petit billet  de 10 sacs glissé dans la main à la fin.

Heureusement, à la page 125, on apprend enfin quel évènement a été la cause de la séparation du général et de son ami. L'intérêt du lecteur se relance, car cet évènement soulève plein de questions. Et ces questions, on sent bien que le général va les poser à son ami et que donc (chouette, chouette, chouette !) on va avoir la réponse.

Mais... le général attend la page 178 pour se décider. Ce qui nous fait 53 pages de dialogues et tournages-autour-du-pot supplémentaires. Et on n'a toujours pas 10 sacs glissé entre les pages.

La suite (c'est-à-dire la fin) je ne vous la dirai pas. Mais, en conclusion, il me semble que la lecture de ce livre est très décevante : les longueurs de la discussion entre les deux anciens amis gâchent le réel plaisir ressenti au départ et la grande qualité de l'écriture.
Par ailleurs, il m'apparaît que, s'il est écrit sur la quatrième de couverture que Marai est le Zweig hongrois, c'est surtout pour faire vendre. Car si l'on peut trouver des points communs dans la limpidité et la beauté du style, on ne retrouve pas, chez Marai, l'aptitude de Zweig à sonder les sentiments avec simplicité et à les révéler au fil d'une intrigue et d'une succesion de tableaux concrets, vivants, évocateurs.
Le corrolaire de cette seconde conclusion (qui confirme mon choix de ne jamais lire ce qui est écrit au dos des livres avant de me plonger dedans) est donc le suivant : les quatrièmes de couverture sont des menteuses !
Alors passons à un autre livre. Tiens, un Kundera...

marai_les_braises

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