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Sébastien Fritsch, Ecrivain
31 octobre 2007

Journal d'un écrivain baladeur (3) : rencontres d'automnes

La première rencontre fut virtuelle. Mais quel bonheur d'apprendre, samedi matin, avant de partir à Brive, que Lucie avait reçu mon livre ! Sans doute suis-je resté un grand gamin, mais c'est ainsi : pour moi, le fait que "Le Mariage d'Anne d'Orval" ait traversé l'Atlantique est un évènement. Et le fait que cet échange (car en "paiement" de mon roman, Lucie me fait parvenir le roman d'un auteur québécois) soit la concrétisation de discussions sur des blogues et par courriel est aussi un évènement. Comme un gamin, je m'extasie de ces possibilités de partage dont nous disposons. Quoique les vrais gamins actuels doivent sans doute trouver ça d'une affligeante banalité ! Mais bon, je savoure mon plaisir. D'autant plus que, si Lucie est la première habitante de la Belle Province à visiter (en lecture) l'Auvergne médiévale, elle ne sera sans doute pas la dernière. Mais j'en reparlerai. Tout ce que je peux vous dire, c'est que dans le paquet qu'elle a reçu, il y avait deux exemplaires du "Mariage d'Anne d'Orval". Mais pour qui était le deuxième ?

Quelques heures plus tard, j'arrivai à Brive. Je retrouvai l'équipe des Editions Créer et quelques auteurs déjà croisés sur d'autres salons. Mais je découvris aussi Philippe Roucarie. Nous avons passé deux jours sur le même stand, plus un repas à "la Crémaillère" le samedi soir, et j'ai pu apprendre à connaître (un peu) ce monsieur. Sur le plan purement "chronologique", il pourrait être mon grand père. Et en fait, en l'écoutant, j'ai retrouvé chez lui la sage discrétion de l'artisan qu'était mon grand père. S'exprimant par mots choisis, imagés, chaleureux, simples et concrets (que ce soit pour évoquer les riches heures de précédentes Foires du Livre de Brive, pour faire renaître de courtes fables ou des anecdotes auvergnates ou encore pour raconter quelques bonnes blagues), l'ancien instituteur m'a donné envie de découvrir sa plume. Je suis donc reparti de Brive avec "Le Paradis du Grand Loup Blanc". J'ai découvert une écriture vivante, poétique, teintée d'humour mais aussi frappée du bon sens des paysans auvergnats à qui il donne la parole. Il respecte en cela la promesse qu'il avait faite dans sa jeunesse à l'un de ces hommes des montagnes qui lui avait dit : « Philippe, si tu ne parles pas de nous, personne ne se souviendra jamais ».

Je suis ensuite allé rendre visite aux Editions du Pierregord. Nous avons discuté de diverses choses (notamment les impressions croisées entre le salon de Blois et le salon de Brive) et j'ai fait une troisième rencontre : le "Sixième Crime". Si, si, je vous jure, j'ai rencontré le Sixième Crime. En fait, ce que j'ai rencontré, c'est la couverture de mon prochain roman. Là aussi, le grand enfant était aux anges. Mais j'en reparlerai. Et je mettrai la vraie couverture à la place de l'affreux rectangle noir que je vous impose actuellement dans la colonne de gauche.

Un peu plus tard, je suis allé voir Hugo Boris. Je lui ai fait part de mon avis enthousiaste sur son premier roman, "Le Baiser dans la Nuque" et il m'a parlé de son second ouvrage (que je me suis empressé d'acquérir : d'ailleurs, j'allais le voir pour ça, puisque j'avais repéré son nom dans la liste des participants. C'est la première fois que j'allais à un salon avec l'envie de voir l'un des auteurs présents.
En l'écoutant parler, j'ai découvert un homme qui ressemble à son écriture : humble et franc, plein de retenue et passionné à la fois. J'ai hâte de découvrir "La Délégation Norvégienne", ouvrage très différent, m'a-t-il dit, surtout parce qu'au lieu du face à face intime du précédent, nous sommes ici dans un thriller. J'aime bien ces auteurs qui ne s'assoient pas dans le petit train des habitudes et osent les grands écarts d'un roman à l'autre.

Après ça, j'ai fait ma première interview radio. C'était sur RCF Corrèze, mais j'étais quand même aussi à l'aise que si j'avais été garçon d'honneur au mariage de Lady Di, portant une cravate trop serrée et des chaussures deux pointures trop petites. Finalement, ça s'est bien passé. La journaliste était charmante et une fois parti à parler de mon livre, j'ai oublié Lady Di Spencer et Charles de Galles.

Enfin, la journée du samedi s'est achevée avec la rencontre organisée par Ecaterina. Rencontre au cours de laquelle j'ai pu faire également la connaissance de Solenn Colléter, l'auteur de "Je suis morte et je n'ai rien appris". Je ne reparlerai pas de l'émerveillement de gamin lié à la concrétisation de contacts entamés sur des blogues (je suis lourd, mais parfois je m'en rends compte et je m'autocensure), mais bon, c'était quand même une nouvelle expérience de ce que Lucie (celle qui est citée tout en haut) appelle les "rencontres du troisième type".
Je ne divulguerai pas ici le contenu des discussions que nous avons eu, puisqu'Ecaterina en fera un rapport détaillé sur son blogue et même ailleurs (nous en reparlerons.. enfin, elle en reparlera). C'est normal que ce soit elle qui bénéficie de la primeur de nos propos, puisque c'est elle la journaliste qui pose les questions. En plus, chez elle, ce sera encore mieux puisqu'il y aura des images (elle avait emmené son photographe officiel).
Non, ce dont je parlerai c'est plutôt l'ambiance autour d'une bière glacée et d'un thé brûlant (pour Solenn, qui ne boit donc pas que du Tariquet malgré les rumeurs qui courent ici ou là), le plaisir de partager des impressions, des expériences avec un autre écrivain mais aussi avec une autre blogueuse, à savoir l'organisatrice de la rencontre. Et tout ça dans la bonne humeur et la simplicité.
Comme aurait pu dire Lapalisse, avant de se rencontrer, on ne s'était jamais vus, mais on a parlé comme si on se connaissait. En tout cas, il m'a semblé que nous parlions comme si nous nous comprenions. Ce n'est pas si fréquent.
En plus, Solenn avait eu la sympathique idée de venir avec des livres, et elle nous en a offert un à chacun, à Ecaterina et à moi. Ce ne fut pas "je suis morte et je n'ai rien appris" (mon libraire se chargera de me le procurer), mais "Le Crocodile Rouillé" de Dominique Louise Pellegrin. Mais rassurez-vous, Ecaterina et Solenn sont reparties chacune avec leur exemplaire du "Mariage d'Anne d'Orval".

Pour que le tableau soit complet, je dois aussi parler de ceux que j'étais venu rencontrer : les lecteurs. Je pense surtout à ceux chez qui j'ai senti poindre une lueur d'intérêt dans le regard lorsque j'esquissai pour eux le début de l'intrigue qui compose mon livre. Certains, apparemment convaincus, annonçaient pourtant qu'ils préféraient faire un tour de tous les auteurs avant de se décider. Manoeuvre classique pour éviter de dire : "j'en veux pas de ton bouquin." Mais d'autres avaient vraiment besoin de faire ce tour, pour ne pas sauter de manière irréfléchie sur le premier livre qu'ils voyaient : le stand des éditions Créer était près de l'entrée et donc le premier devant lequel passaient les visiteurs. Certains faisaient leur tour et repassaient en regardant de l'autre côté, mais d'autres revinrent vraiment, après une demie-heure ou une heure passée à arpenter les autres stands. Eux, ils le voulaient vraiment mon roman et c'est ce qui me faisait le plus plaisir.

Il faut aussi que je vous dise qu'au cours de ce salon, j'ai vu Anne d'Orval. Si, si, en vrai. Seul un détail ne convenait pas. Elle était grande, brune, pâle, avec des traits d'une finesse angélique. Mais, à la différence de mon héroïne, ses yeux étaient marrons et non pas gris-bleu. Elle m'a écouté réciter mon laïus. Mais, finalement, elle m'a dit qu'elle n'aurait de toutes façons pas le temps de lire mon roman : elle travaillait dans une librairie jeunesse et était déjà noyée sous les livres d'enfants à lire.
- Et lire un livre pour vous, ça ne vous tente pas ?
- Non, m'a-t-elle répondu. Je ne pourrais vraiment pas.
Et elle est partie. Aurais-je dû évoquer alors la ressemblance avec Anne d'Orval ? Puisqu'elle n'en voulait pas de mon livre, lui annoncer cela ne pouvait pas ressembler à un argument commercial abusif. J'ai pourtant eu des scrupules. Et je me suis tu. Et je l'ai regardée s'éloigner, avec sa beauté digne d'un roman, ses yeux marrons et cette vie condamnée à lire des livres d'enfants comme les bagnards cassent des cailloux.
Quelques minutes plus tard, une pétasse s'est présentée. Mais une vraie pétasse. Sapée, tartinée, coiffée, empesée à la mode 100 % pétasse. Le nez pointu comme un reproche et la bouche en chose de poule comme pour mieux siffler son mépris. Je lui aurais bien flanqué une paire de claques, mais je me suis retenu : elle, elle les avait, les yeux de d'Anne d'Orval. De beaux yeux froids et impérieux comme le métal, vifs et réconfortants comme une eau de source.
Je n'ai pourtant pas eu envie de la convaincre de lire mon livre.
Et je suis resté avec ma propre vision d'Anne d'Orval. Une femme unique qui est un peu chaque femme sans être aucune d'elles.

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Commentaires
S
@ Ecaterina, Mais qui a eu l'idée de cette rencontre unique ? Merci à toi de l'avoir organisée. <br /> Bon courage pour cette semaine (eh oui, les vacances des enfants sont rarement des vacances pour les mamans).
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E
Je n'ai pas encore commencé ton livre, mais je suis déjà amouireuse d'Anne d'Orval après ce billet !<br /> J'ai été vraiment ravie de vous rencontrer, pas trop le temps d'en dire plus cette semaine, completement débordée +vacances scolaires et Toussaints en plus!<br /> à très bientôt Seb, et merci encore pour cette rencontre unique, (oui, unique, c'est le mot)
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S
@ Lucie, Ce week-end, je le garde en mémoire tout en souhaitant en vivre d'autres. Ceci dit, la pétasse, je la garde aussi en mémoire : je lui trouverai bien une petite place de choix dans l'un de mes prochains romans...
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L
Un week-end à mettre en exergue, quelque part, dans ta mémoire, dans la nôtre. Une série de rencontres dont la plupart sont porteuses (la pétasse, on s'en passe!): ça, c'est la vie comme je l'aime! ;-)
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