Le Sixième Crime - Les premières lignes
Sur la route qui serpente
entre les rochers et les arbres bas, il faut peu de temps pour oublier ce que
l’on laisse derrière soi. La nationale, l’autoroute que l’on parcourait
quelques instants plus tôt, la ville quittée le matin même s’effacent un peu
plus à chaque virage.
Restent le souple mouvement des
oliviers, l’ondulation des collines, le respectueux enlacement de la ligne
grise de bitume qui se faufile sur leurs flancs. Plus on la suit et plus on se
demande où elle conduit – même en le sachant pertinemment. Et la surprise est
bien réelle lorsqu’un dernier tournant révèle Pensegarde.
Je me suis arrêté face au versant sur lequel s’agrippent
les quelques maisons que désigne ce nom. Bien sûr, c’est une carte
postale : la pierre claire, les volets pastel, les bouquets d’arbres, le
ciel parfait, le fond de vallée serein qui leur sert de cadre. C’est pourtant
beau. Il n’y a rien d’autre à en dire. Et ce sont bien ces mots qui me vinrent
à l’esprit. Je n’ai même pas pensé : « Alors, c’est ici que vit le
célèbre Lex ! »
Je suis remonté dans ma voiture
pour parcourir les derniers lacets qui montaient au hameau. Je me suis garé sur
la placette ménagée en son milieu. Un tilleul à l’ample ramure en assurait la
garde. Plus loin, dans l’ombre, une fontaine dévidait sa romance, image de
fraîcheur capable aussi de figurer la chaleur de l’accueil. Vues de près, les
bâtisses qui m’entouraient m’apparurent encore plus pimpantes que ce qu’elles
m’avaient semblé d’en bas.
Dans laquelle vivait-il ?
Tous les volets étaient ouverts, toutes les fenêtres étaient agrémentées de
rideaux, tous les perrons étaient fleuris. Peut-être les habitait-il toutes
tour à tour, écrivant dans l’une, mangeant dans l’autre, dormant dans la
suivante, se distrayant dans la quatrième et méditant dans la dernière.
C’est seulement au moment où je
pensai cela que je pris conscience du nombre de maisons : cinq. Autant que
les crimes sur lesquels j’enquêtais.