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Sébastien Fritsch, Ecrivain
12 juin 2007

Cosey - L'Espace Bleu entre les Nuages

Pourquoi Cosey ? Parce qu’il m’a ému quand j’étais jeune (il y a fort fort longtemps) ? Ce n’est pas la seule raison. Il y a aussi d’autres explications tout à fait objectives :

- La capacité de Cosey à ne raconter qu’avec des images (comme dans l’exemple ci-dessous).Douniacha

- Une précision extrême, autant dans les décors (paysages himalayens, villes occidentales ou asiatiques), que dans les visages et les attitudes. Cosey nous fait voyager autant sur terre que dans les pensées.

- Des histoires consistantes, pleines de matières : matières des décors, matières des visages (vide supra), mais aussi matière à penser. Cette précision, cette consistance et la réflexion qui est proposée, suggérée, font que les albums de Cosey ressemblent à des nouvelles. Je pense à Vercors ou Zweig qui savaient présenter des tableaux apparemment simples, par leurs styles, mais toujours justes et solides.

- La poésie : celles des images, des textes, des sentiments. Même les titres sont des petits poèmes : L'Espace Bleu entre les Nuages, par exemple. Et l'album qui le porte est un hommage à un autre magicien du trait et de la couleur.

- La B.O. : à l’arrière de chaque album de Jonathan, Cosey indique une liste de disques à écouter en lisant ses planches. Associer sons et images, ça devait obligatoirement faire tilt dans mon petit cerveau ! Et j’avoue humblement que je me suis faufilé sur les traces de Cosey : quand j’écris un roman, j’ai toujours en tête la musique qui va avec, c’est-à-dire celle qui accompagne le mieux les ambiances et les états d’âme que je veux créer. La différence est que je n’inscris pas de liste de musiques sur la quatrième de couverture. Soit j’y pense mais je n’en laisse aucune trace (comme pour E.S.T. et le Mariage d’Anne d’Orval) ; soit j’insère, lorsque c’est utile, la musique dans le déroulement de l’histoire.

Ainsi, dans « Encore cette même éternité qui recommence », roman bleu-noir, la B.O. est entièrement Jazz (à part un titre des Stones et l’Adagio d’Albinoni à la fin) et dominée par Oscar Peterson. Le pianiste canadien devient presque un personnage à part entière. Il aide le narrateur à trouver un reflet pour son éternel mal-être, diffus mais intarissable.

Dans « Pour la Voix d’Elise », comme l’histoire nous fait naviguer entre les années 40/50 et les années 80, on a deux univers distincts. Je disais tout à l’heure que je ne fais pas de liste, mais c’est un peu faux : après le mot fin de « Pour la Voix d’Elise », j’ai répertorié les airs qui correspondent aux quatre principaux personnages (deux hommes, deux femmes). En ce qui concerne les deux femmes, Elise et Clotilde, on a un ensemble de complaintes d’avant guerre pour la première (genre « les Roses Blanches », pour les connaisseurs) et des groupes des années 70 et 80 (surtout Supertramp et Pink Floyd) pour la seconde.

Bon, on va me dire que je parle de moi, alors que je devais parler de Cosey. Mais j’y reviens, j’y reviens ! Tu vas voir, ami internaute bibliophile, comment l’écrivain parvient à retouver son chemin dans les brumes de ses digressions (et c’est d’autant plus facile que c’est lui qui gère à la fois les fumigènes et les phares antibrouillards !)

On y revient, car dans « Pour la Voix d’Elise », l’un des rôles masculins principaux est tenu par… Cosey. Je reconnais que je ne lui ai pas demandé son avis. Mais la description de Lorenz (un suisse un peu baroudeur !) correspond précisément à celle de Cosey tel qu’il apparaissait au dos des albums Jonathan de l’époque (même couleur des yeux, mêmes cheveux noirs en cumulo-nimbus). D’ailleurs, que lit Clotilde, quand elle ne lit pas John Irving ? Elle lit une BD offerte par Lorenz et dessinée par Cosey. Alors, comme son nom figure quand même au générique, j’espère que le génial dessinateur suisse me pardonne de lui avoir volé le visage de ses trente ans.  

Cela me pousse aussi à faire cette petite confidence : en plus de la musique, j’ai aussi besoin, quand je rédige, d’avoir en tête les traits de mes protagonistes. Je n’en parlerai pas ici (mais ça viendra sûrement). Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai plus de chance que les metteurs en scène de cinéma : je prends qui je veux à l’âge qui me convient (et même des gens qui ne sont pas acteurs) et, en plus, je les fais jouer dans mes histoires sans avoir à leur procurer ni loge ni cachet.

Ah, ce pouvoir grisant que l’on a sur les êtres, quand on écrit ! Pour un peu, on se prendrait pour Dieu ! La modestie, vous dites ? C’est quoi, ça ?


Des liens intéressants :

- Le site des éditions du Lombard qui comporte une page sur Cosey (la planche ci-dessus provient de ce site)
- Un dossier très complet réalisé par un illustrateur hollandais : the World of Cosey

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