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Sébastien Fritsch, Ecrivain
2 juin 2007

encore cette même éternité qui recommence - 4ème de couverture potentielle

Dans les nuits d’impatience trop aiguë, je sortais. J’allais jusqu’à la Seine, prenant les boulevards mornes, étonné de découvrir, sur les visages abjects des autres insomniaques, des yeux qui ne connaissaient pas son nom. Quand cela m’insupportait trop, je choisissais un carré d’immeubles éteints, dans un quartier de bureaux et d’argent, et je m’y égarais jusqu’aux premiers sursauts de l’aurore. Je reprenais alors le fil de sa vie dont même une seule seconde aurait été capable de brûler des milliers d’existences de divagations comme celle que j’entretenais. Je reprenais sa vie, je reprenais son rire, je reprenais son pas sur mon parquet discret, je reprenais tout d’elle, et elle, elle m’offrait tout. Et je n’en ai rien eu. Sauf peut-être un prénom pour justifier ma vie. Car chaque ondulation de son corps était une prière et chacun de ses regards s’érigeait en désaveu. Quand ses yeux m’invitaient, ses bras se scellaient sur sa poitrine. De ses courbes je n’approchais que l’ombre. Elle n’était désirable que pour être désirée. Que pouvais-je d’autre que la fuite ?

Même si l’on y trouve deux cadavres, « Encore cette même éternité qui recommence » n’est pas un roman noir : c’est un roman bleu-noir. Parce que telle est la couleur de l’état d’esprit de son narrateur, Jonas Burkel, photographe misanthrope et cyclothymique : un brin de soleil, un rire d’enfant, un blues au piano, et la vie lui paraît bleue ; une nuit de solitude, un regard désespéré croisé dans le métro, et une bouffée de noir l’étreint. Mais bleu, c’est aussi la couleur des yeux d’Emmanuelle – tandis que ceux de Nathalie sont noirs. Et noir, c’est la couleur du piano d’Oscar Peterson – sur lequel passe de si chaleureux reflets bleutés. Bleu c’est aussi, bien sûr, la couleur de l’amour – l’amour normal, s’entend : l’amour romantique, tendre, attentionné, affectueux, autrement dit : l’amour « fleur bleue ». Ce que Jonas a toujours fui comme la peste noire. Parce que l’amour n’avait pas sa place dans son âme sombre. Jusqu’à Nathalie. Jusqu’à cet amour inégalable, unique, excessif. Jusqu’à cet amour frustrant, inaccompli et mortifère. Jusqu’à cet amour noir. Un amour qui apportera pourtant la paix à Jonas, en donnant un sens à sa vie. Comme se révèle, après un interminable hiver maussade, un ciel d’un bleu resplendissant.

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